Historique de la Base Aérienne 123 Orléans-Bricy

Du projet de Centre d'essais à la Base Aérienne

Retour vers le passé : Bricy en noir et blanc

Aérodrome des Groues premier terrain d'aviation à Orléans.

Afin d'entrer en course pour la création d'un grand aéroport à Orléans une soixantaine d’Orléanais, pour la plupart anciens pilotes militaires ou réservistes, ont formé dans le courant de l’automne 1928, le "Comité Régional Orléanais d’Action Nationale Aéronautique" : le C.R.O.A.N.A. Le but de ce comité est "d’apporter à titre privé, et en accord avec le Ministre de l’Air et les pouvoirs publics, une contribution effective et de valeur à la renaissance économique de l’aviation française".

Si l’agglomération orléanaise possède déjà un aérodrome aux "Chimoutons" sur la commune de Saran, ce dernier trop petit, ne peut accueillir les gros porteurs tels que les Farman Goliath. Le but du C.R.O.A.N.A est donc de créer dans la région un vaste aéroport. Un endroit est déjà pressenti, au nord d’Orléans, sur la commune des Barres. Le projet est ambitieux car outre la création d’un aéroport mixte d’aviation et d’hydraviation, il prévoit aussi de fonder un centre école pour la formation technique et pratique de mécaniciens et de pilotes.

Le projet qui couvre quatre cents hectares serait implanté sur la commune des Barres à l’angle de la route de Châteaudun et de la route du Mans. Les autres objectifs du comité sont de constituer une association aéronautique  dans le Loiret (Les Ailes Ardentes) et de faire une propagande aéronautique intense pour donner au pays un véritable "sens de l’air". Il ne s’agit pas moins que de vouloir faire de l’aéroport d’Orléans la gare aérienne centrale de la France et de remplacer Le Bourget.

En décembre 1929, le vice-président de la chambre de commerce d’Orléans lit un rapport dans lequel il découvre l’existence et les projets du C.R.O.A.N.A, la chambre de commerce s’intéresse alors à la création de l’aéroport, mais un épineux problème s’esquisse : comment financer ce projet ?

Le C.R.O.A.N.A qui recherche des solutions fait appelle à René Fonck. Ce dernier, membre de la Société Anonyme de Construction d’Aéroports (S.A.C.A.P), se déplace plusieurs fois à Orléans pour évoquer le financement. Le budget nécessaire pour la construction est énorme et se chiffre en dizaine de millions de francs. Les tractations avec la S.A.C.A.P tournent court. Le C.R.O.A.N.A ne peut compter sur une participation financière de la chambre de commerce, le budget de cette dernière ne le permettant pas. Il se tourne alors vers les collectivités locales mais obtient la même réponse. Il ne peut donc qu’espérer une subvention de l’État.  
Toutefois, la chambre de commerce d’Orléans et du Loiret qui "regrette que la faiblesse de son budget ne lui permette d’accorder une aide financière appréciable aux promoteurs du projet" garantit sans réserve son appui moral au projet. Le C.R.O.A.N.A se rend à l’évidence : un tel projet n’est viable qu’avec l’appui de l’État qui pourrait être intéressé tant du point de vue économique que militaire. 

Le 13 juin 1930, le C.R.O.A.N.A va recevoir un soutien de poids en la personne du général Boucabeille. Ce dernier, directeur du Comité Français de Propagande Aéronautique, milite pour le développement de l’aviation commerciale. Lors de son exposé devant une assemblée d’élus orléanais, il explique que le comité qu’il préside, a pour but de développer l’aviation civile et notamment les routes aériennes, il espère faire à Orléans un aérodrome sur une route aérienne vers Bordeaux.

La question sur le développement de l’aviation à Orléans est donc posée. Bien que disposant d’un terrain d’aviation depuis 1914 sur la commune de Saran, il fallut envisager l’acquisition de nouveaux terrains plus éloignés de la ville et par conséquent moins chers et disposant de plus d’espace. A cet effet, le C.R.O.A.N.A est en rapport avec la société immobilière Lecomte et Nathan de Paris depuis le début de l’année. C’est à cette même époque qu’ont lieu les premières relations entre le C.R.O.A.N.A et le Ministère de l’Air qui s’intéresse à l’affaire.

Terrain de Saran utilisé par l'aviation militaire et civile, sa proximité avec la ville empêchait un développement de plus grande envergure.

Le mercredi 10 décembre 1930, la société Lecomte et Nathan dépose, au Ministère de l’Air, un projet d’aménagement d’un terrain d’aviation au lieu dit "Les Barres" sur le territoire de la commune de Boulay. Le terrain qui est "destiné à la fois à l’aviation civile et à l’aviation militaire serait d’une superficie de 500 hectares, il est même prévu une fosse de 100 hectares pour les hydravions." Parmi les projets qui n’ont pas manqué, on peut noter ici pour la première fois un changement dans son utilisation puisque l’aéroport aura aussi un usage militaire. C’est certainement en rapport avec l’annonce faite par le journal "Le Républicain Orléanais et du Centre" qui publie : "Rappelons qu’un régiment d’aviation – le 22ème – doit s’installer bientôt dans notre ville. 

Dans l’après-midi du 21 janvier 1931, Paul Painlevé, alors Ministre de l’Air, accompagné de membres de son cabinet, du général Barès, et de membres de la société Lecomte et Nathan se rendent à Orléans et plus particulièrement à l’angle de la route de Châteaudun et de la route du Mans. Après avoir étudié la topographie de l’endroit et les possibilités d’aménagement sur une carte d’état-major, le petit comité poursuit vers la ferme des Barres où il s’arrête de nouveau. Il s’engage alors dans un chemin situé à gauche et fait le tour des terres qui doivent constituer le futur champ d’aviation.

A l’issue de cette visite, on comprend que les bases du futur aéroport sont posées et que le Ministère de l’Air est bien intéressé par le projet. Cependant cet emplacement est vite abandonné du fait de la présence de lignes électriques à haute tension dont le déplacement nécessiterait un engagement financier supplémentaire. Un second projet est alors proposé, sur des terrains se situant au sud de la route d’Orléans à Châteaudun, à peu près en face de l’emplacement actuel. Les opérations d’achat de terrains sont alors entamées par la société Lecomte et Nathan qui agit pour le compte de l’État. Tout semble en bonne voie pour la concrétisation du projet lorsque la société Lecomte et Nathan est dissoute. Le C.R.O.A.N.A continue toutefois ses pourparlers avec le Ministère et d’autre part, prend des options sur les terrains, par l’intermédiaire de Maître Victor, notaire à Saint-Péravy-la-Colombe.

C’est à ce moment que la société Bernheim, puissante société immobilière de Paris, entre en jeu et prend des options sur des terrains situés au nord de la route nationale, sur des terrains situés dans un quadrilatère comprenant les communes de Bricy, Coinces, Saint-Péravy-La-Colombe et Boulay qui pourraient convenir.

Les dirigeants du C.R.O.A.N.A l’apprennent et font les démarches nécessaires auprès du Ministère pour maintenir la priorité de leurs terrains qu’ils estiment plus avantageux. Mais ces démarches restent vaines car le Ministère a déjà pris la décision de construire l’aéroport sur les terrains proposés par le concurrent. Un projet d’expropriation pour cause d’utilité publique est établi par la préfecture en août 1931. Le C.R.O.A.N.A ne reconnaît plus son projet. La destination de l’aéroport ne semble plus faire de doute quant à une utilisation militaire : on parle également du transfert du Centre d’Essais du Matériel Aérien de Villacoublay vers Bricy.

Ce nouveau projet définit l’emplacement définitif du terrain et nous indique ce qu’en seront les limites : la voie ferrée Orléans-Chartres à l’est, la route nationale Orléans-Châteaudun à l’ouest, le village de Boulay au sud et la ferme de Sennelay au nord-ouest. Les terrains sont répartis entre les communes de Boulay, Bricy et Coinces. Les fermes de la Beaucerie, du Coudray et de Sennelay englobées dans l’ensemble sont achetées et désaffectées. Considérant que la création de l’aéroport d’Orléans-Bricy est d’un intérêt national et d’un intérêt général pour la région orléanaise, la chambre de commerce d’Orléans et du Loiret émet un avis favorable. Le 24 décembre, Jean-Louis Dumesnil (député et rapporteur du budget de l'aéronautique) confirme le début des travaux.


 



Le financement de cet ambitieux projet est voté le 12 décembre 1931 par le Sénat. La commission des finances inscrit alors au budget une somme de  20 millions de francs se répartissant de la manière suivante : 6 millions destinés à l’édification de trois hangars  et 8 millions à l’installation de l’atelier d’essai. A ces crédits viennent s’ajouter les 6 millions déjà consacrés à l’acquisition des terrains et aux diverses indemnités. La commission de l’air du Sénat par la voix de M. Laudier fait observer que l’installation de l’arsenal à Orléans ne constitue pas l’emplacement idéal, non seulement du point de vue géographique, mais aussi du point de vue de la main d’œuvre. Bien que l’installation d’un aéroport en Beauce soit considérée favorablement par les autorités, une voie s’élève au sein du Sénat contre sa construction à Orléans. Le sénateur du Cher, M. Henri Laudier, membre des commissions de l’air et des finances, s’il note que l’aménagement des aéroports et la décentralisation des services aériens est d’une importance capitale du point de vue économique ou militaire, il considère que le transfert du centre d’essais de Villacoublay vers Orléans n’est qu’un transfert en "grande banlieue".On peut estimer que M. Laudier plaidait certainement pour une installation à Bourges où Avord (où il existe déjà un camp aérien), plus éloigné de Paris et qui aurait procuré un regain d’activité dans son département d’origine. Sur les 75 millions prévus initialement en loi de finances, seuls 25 furent effectivement votés. M. Laudier, par un amendement, tentera de faire rétablir les 75 millions mais ce dernier est repoussé par 185 voix contre 100. La somme supplémentaire de 50 millions comportait l’aménagement complémentaire d’aéroports dont celui de Bourges. On comprend mieux l’opposition de M. Laudier qui voit partir cette manne dans le département voisin.

nnnnpppppLe site choisi pour installer le futur centre d'essais se situe entre les villages de Bricy et Boulay les Barres

Cette vue aérienne prise de l’est vers l’ouest nous montre le site retenu pour la construction de centre d’essais de Bricy-Boulay. A la vaste plaine de la petite Beauce sont arrachées des terres agricoles, pour la construction des deux premiers hangars. (Photo USID/Bricy)


Cette même commission rappelle aux sénateurs, que lors du vote de la dernière loi de finances et à la demande du Ministère de l’Air, un article voté concernait la décentralisation des industries aéronautiques qui sont presque toutes regroupées en banlieue parisienne. Outre la proximité de Paris, d’autres arguments sont avancés contre cette implantation : le manque de protections naturelles et de main d’œuvre spécialisée dans la région. Mais le général Stuhl qui siège lui aussi au Sénat, fait remarquer "qu’en cas de guerre les installations aéronautiques rassemblées dans un espace relativement restreint seront toutes bombardées en même temps et détruites".La réponse de M. Dumesnil ne se fait pas attendre et précise qu’il poursuivra l’effort de décentralisation, que cet effort consistera donc "à éparpiller à travers la France à des distances aussi éloignées que possible des points d’attaques éventuels, les nouvelles organisations de l’aéronautique en tenant compte des possibilités régionales. Il souligne aussi que l’industrie aéronautique ne peut s’installer que dans des villes où l’on trouve de la main d’œuvre, des logements et les facilités industrielles nécessaires".Cependant le transfert vers Orléans du centre de Villacoublay et de l’atelier de l’air présente une situation quelque peu différente : il ne s’agit pas d’installer dans la région orléanaise une énorme usine destinée à assurer une partie considérable des fabrications françaises, mais de déplacer le Centre d’Essais du Matériel Aérien pour le mettre à la fois assez loin de Paris et cependant à proximité d’une ville à fin d’en faciliter le fonctionnement.Du point de vue climatique, la région d’Orléans convient parfaitement. La topologie de la petite Beauce et l’écart de tout centre aéronautique se prête particulièrement bien aux essais aériens : en cas de panne, la région offre une planéité propice aux atterrissages d’urgence d’un aéronef en essais pouvant ainsi éviter sa destruction. L’absence d’aérodromes en périphérie proche est aussi bénéfique à la sécurité de ces essais.

Plan de masse de 1932 représentant une très ambitieux projet avec un centre d'essais à trois hangars et un aérodrome militaire comportant sept hangars. Cette configuration ne sera pas retenue.

Le projet envisagé à la fin des années 20 va voir le jour mais il est maintenant très différent de ce qu’avaient envisagé au départ le C.R.O.A.N.A et les élus locaux. En effet, son caractère "civil" s’est effacé au fil du temps au profit des essais de matériels aériens, plutôt que de raccorder Orléans aux routes aériennes déjà en place. L’aérodrome et son centre d’essais vont donc contribuer au développement et l’amélioration de l’aviation civile et militaire. Suite aux votes par les représentants des assemblées nationales, les premiers crédits vont permettre les premiers grands travaux sur le site de Bricy-Boulay.




Fin décembre 1931, les grandes lignes du projet sont maintenant connues. Il comportera un accès ferroviaire, trois hangars de 120 mètres sur 60, un atelier-magasin et deux pavillons destinés au commandant de l’aéroport et à l’ingénieur de l’aéronautique supervisant les travaux. Enfin, un lotissement est prévu pour loger 10 ingénieurs et 200 ouvriers. Les premiers travaux débutent dès la fin de 1931 par le raccordement à la ligne de chemin de fer Orléans-Chartres. Une longue voie de garage, avec aiguillages aux deux extrémités, est établie parallèlement à cette voie. Un embranchement rectiligne part ensuite vers le village de Boulay pour desservir les futurs bâtiments de l’aérodrome. On peut noter que, dès le début, des difficultés en rapport avec le sol argileux sont rencontrées par la société Paolassinni chargée du terrassement de l’embranchement. Mais en février 1932, le raccordement est terminé. Cent vingt ouvriers de l’entreprise Paolassinni de Valenciennes ont participé aux travaux.

 

Vue aérienne du chantier des deux premiers hangars Caquot. On remarque en arrière plan la ferme du Coudray qui servira de locaux pour les personnels des Ponts et Chausées, au fond le château d’eau en construction juste devant le bois d’eau. Cette photo est certainement prise vers l’été 1933. (Photo USID/Bricy)

Vue aérienne du chantier des deux premiers hangars Caquot. On remarque en arrière plan la ferme du Coudray qui servira de locaux pour les personnels des Ponts et Chausées, au fond le château d’eau en construction juste devant le bois d’eau. Cette photo est certainement prise vers l’été 1933. (Photo USID/Bricy)

Le même mois, la nature des trois hangars est arrêtée. La technique utilisée, originale pour l’époque et inventée par l’ingénieur Caquot , consiste à édifier un caisson de 120 mètres avec un rez-de-chaussée et un étage, le tout constituant l’épine dorsale du hangar. A la hauteur du plancher du 1er étage, partent de part et d’autre du caisson, des toits elliptiques en béton armé pour abriter les avions. De grandes portes coulissantes montées sur des glissières permettent la fermeture du hangar. Il est à noter que contrairement aux hangars Caquot n°1 et n°2, le hangar Caquot n°3 ne disposera pas de caisson central.

Calqué sur un plan original, ce document permet de visualiser la technique employée par l’ingénieur Albert Caquot. La technique est nouvelle pour l’époque. En jaune la “poutre”, où sont raccordées les structures triangulées supportant les auvents en béton. (Réalisation Olivier BAILLON)



Le 13 octobre 1931 le concours pour la construction de deux hangars est lancé par le Service des Bases du Ministère de  l’Air, les dossiers de concours sont envoyés à 37 entreprises susceptibles d’avoir la capacité à mener à bien un tel chantier. Afin d’examiner les projets envoyés par les entrepreneurs, la commission d’examen se réunit le 16 décembre 1931 à 10 heures du matin au Service des Bases. L’objet de cette première réunion est d’éliminer les projets jugés inacceptables, de désigner les propositions qui doivent être étudiées en détail, de désigner des propositions qui ne seront examinées que si les projets dont l’étude de détail est prévue, révèlent à cet examen des erreurs ou des impossibilités. Le 2 février 1932, à 10 heures du matin, a lieu la deuxième réunion de la commission d’examen, les propositions d’une société sont retenues mais l’adjudication n’est toujours pas effectuée. Cependant, des sondages pour connaître la nature du terrain ont été effectués à leur futur emplacement.

Le camp nécessitant une alimentation en eau potable, un puits artésien est foré au nord de la ferme du Coudray à quelques centaines de mètres du passage à niveau entre Boulay et Bricy. Ce forage doit aussi alimenter le lotissement devant héberger les ouvriers. Il permettra éventuellement d’alimenter aussi les villages de Bricy et Boulay. Des locaux à usage d’habitation et des bureaux sont aménagés à la ferme du Coudray. Un ingénieur des Ponts et Chaussées y demeure afin de surveiller les travaux. Un laboratoire y est installé et abrite des machines spéciales pour l’essai des échantillons de matériaux.

C’est la société de construction de charpentes et de couvertures en ciment" de Reims qui se voit adjuger la construction des deux premiers hangars  (marchés des 17 mars 1932 et 12 août 1932), la construction du troisième hangar étant mise en attente pour le moment, elle est invitée à commencer les travaux dès le 24 mars. Un ingénieur supplémentaire est recruté par les Ponts et Chaussées pour la vérification des calculs et des plans d’exécution. Les dimensions des dallages au nord et au sud des hangars 1 et 2 sont portées de 25 à 50 mètres par rapport au marché initial. Des constructions provisoires sont édifiées pour recevoir le matériel de chantier. Un poste de transformation raccordé par une ligne provisoire au réseau, est installé et alimente les moteurs du chantier. Il fournit aussi l’éclairage. Il s’agit d’une installation temporaire, les futurs raccordements, électriques et téléphoniques seront souterrains. L’aspect des lieux change peu à peu avec l’édification de baraquements. La circulation automobile, si mince jusque là, augmente avec la venue des ouvriers et des camions de chantiers. Les vastes étendues arrachées à la vie paisible des champs connaissent désormais une activité industrielle. Une cinquantaine d’ouvriers de la région débute le nivellement du terrain en juin 1932. Ce nombre va être décuplé après que le Ministre de l’Air ait annoncé que la construction des hangars devait être terminée un an plus tard. En août suivant, le nivellement est en passe d’être terminé et le creusement des fondations est en cours. Il est prévu que les travaux soient terminés pour mars 1933, mais compte tenu du mode de fondation par pieux adopté par la société, dont l’exécution fut fort lente à cause de la résistance des terrains traversés, les fondations sont terminées avec quatre mois de retard, soit le 1er novembre 1932. Une prolongation de six mois du délai d’exécution des travaux est accordée à l’entreprise, ce qui reporte la date d’achèvement au 1er septembre 1933. Au mois de mars 1933 sont adjugés les travaux de construction de l’atelier-magasin à la même entreprise mais ils ne débuteront pas avant le mois de septembre 1933. Par contre, aucun marché n’est encore passé pour le nivellement du terrain d’atterrissage, la construction de deux pavillons et l’aménagement du lotissement destiné aux ouvriers.

Le 11 mars 1933, la construction d’un château d’eau est adjugée à la société René Herry d’Orléans. Les travaux débutent dans la foulée. L’édifice d’une contenance de 200 m3 est construit en béton armé et livré le 1er septembre 1934. Situé à l’est de la ferme du Coudray, entre l’aérodrome et le centre d’essais des moteurs, il doit pouvoir alimenter l’arsenal et le centre d’essais des moteurs. Les communes de Boulay et de Bricy pourront y être raccordées. 

En juillet, la silhouette des deux hangars commence à se dessiner dans le paysage. Les caissons ont été dégagés de leurs coffrages en bois. Sur le hangar n°1 (le plus près de Boulay), la construction des arches du toit a débuté. Le curieux peut se rendre compte de la forme définitive grâce à l’une des extrémités qui est décoffrée. On note aussi que cette technique s’affranchit de pilier et facilite donc la manœuvre des avions. Le 27 septembre, l’adjudication du 3ème hangar est décidée et revient à l’entreprise Bollard. Un autre hangar, différent dans sa conception des trois premiers hangars est destiné à la pesée des avions, et doit être équipé de pont bascule pour déplacer les avions. Le montant du chantier avoisine les 650 000 francs.

Cependant, les travaux qui avançaient à une bonne cadence s’arrêtent quand la société commence à congédier le personnel ouvrier qu’elle employait sur le chantier. L’effectif est tombé de 149 à 120, puis à 83, et n’atteint plus qu’une dizaine d’hommes en novembre 1933. Les employés ont tous reçus leur préavis de licenciement pour le 1er janvier, il est même question de les libérer le 21 décembre. La construction des hangars à double auvent a été complètement arrêtée. Les compagnons cimentiers, charpentiers et ferrailleurs licenciés le 1er décembre avaient été prévenus qu’ils pourraient reprendre leur travail dès la fin de la gelée. Ils se sont donc présentés le 5 décembre, mais ils n’ont pas été repris. Il semble que les raisons mises en avant par l’entreprise, tant vis-à-vis de l’administration que des ouvriers licenciés étaient fallacieuses et ne tendaient sans doute qu’à sauver la face et à dissimuler les difficultés financières qu’elle rencontrait. 

La faillite est prononcée par jugement du tribunal de commerce de la Seine le 21 décembre 1933. Les ossatures des deux hangars sont presque terminées, mais pour l’atelier-magasin et le hangar n°3, on n’en est qu’aux fondations. L’entreprise, par l’entremise du liquidateur-syndic Georges Gatté, tentera de faire condamner l’État à la somme de 2 184 400 francs pour les chefs suivants : erreurs et omissions dans les décomptes des travaux, erreurs sur les prix et quantité suite aux reprises d’approvisionnements, retards de l’administration dans ces décisions. 

Une décision ministérielle du 28 mai 1936 avait fixé à 47 508 francs le montant de l’indemnisation à verser à l’entreprise, considérant la somme insuffisante, le liquidateur tente d’obtenir une meilleure indemnisation. Le syndic renoncera à son action suite à une entente avec l’État Français, le dossier sera définitivement clos le 8 octobre 1938. En janvier 1935 de nouveaux marchés sont passés concernant les hangars, avec la société Sainrapt et Brice de Paris. Le Ministère n’a pas statué sur la continuation des travaux de l’atelier-magasin. Quatre bâtiments adjacents aux hangars sont construits car l’idée primitive d’aménager des bureaux, logements, vestiaires et douches dans les caissons centraux est abandonnée (puis sera reprise). Construit après les 2 autres hangars Caquot, le hangar n° 3 diffère des précédents dans la mesure ou il ne possède pas de caisson central. Sa construction démarre en 1936 et s’achèvera en 1938.



Cependant une nouvelle se confirme en septembre 1936 : la 22ème escadre de bombardement basée à Chartres doit être transférée à Bricy. En effet le 18 septembre 1936, le général Féquant, chef d’État-Major de l’Armée de l’Air, informe les généraux des 2ème et 3ème Régions Aériennes de la mise en route de la 22ème escadre aérienne de Chartres vers Orléans (on peut aussi trouver l’appellation 22ème escadre lourde de défense). La 22ème escadre aérienne devait être installée sur son nouveau terrain pour le 15 novembre 1936, elle est rattachée à la 9ème Brigade Aérienne de Tours. Elle se déplace en corps constitué, les matériels volants rejoignent Bricy par la voie des airs, les matériels roulants et techniques se déplacent par voie de terre. L’échelon roulant arrive à Bricy le lundi 21 décembre au soir, il est composé d’une quarantaine de camions avec remorques, et transporte environ 200 hommes, ainsi que tout le matériel nécessaire au fonctionnement de l’escadre. L’échelon volant est resté à Chartres, depuis plusieurs jours, un brouillard intense règne sur la Beauce, et le terrain de Bricy est recouvert par une telle brume que l’atterrissage des appareils n’y est pas possible. Ce n’est que le 23 décembre 1936 que les avions de la 22ème escadre se posent à Orléans-Bricy, l’escadre est équipée de bombardiers Amiot 143. Les premiers avions se posent vers 13h30, et vers 14h30 le dernier avion se pose sur le terrain, ce sont en tout une trentaine d’Amiot 143 et six Potez 25 d’observation qui prennent place dans les hangars.

Alignement d'Amiot 143 sur le terrain de BricyAlignement d'Amiot 143 sur le terrain de Bricy

La Base Aérienne d’Orléans-Bricy est créée à compter du 1er novembre 1936, à l’exception de son parc qui est créé ultérieurement. Dès son arrivée sur le terrain d’Orléans-Bricy, la 22ème escadre aérienne cesse d’être administrée par la Base Aérienne de Chartres pour l’être par la Base Aérienne d’Orléans-Bricy. En attendant la création d’un parc à Bricy, c’est le parc de la Base Aérienne de Tours qui travaille au profit de la 22ème escadre. Le tableau d’effectifs de la Base Aérienne d’Orléans-Bricy est de 401 personnels militaires plus 90 personnels civils. Bien que le personnel prévu paraisse conséquent, il faut remettre ces éléments dans le contexte de la création de la Base, à savoir des infrastructures à peine terminées, des travaux qui ne feront que s’amplifier jusqu’en 1940, le parc qui n’est pas opérationnel à l’arrivée de l’escadre, puisque c’est le parc de la Base de Tours qui gère la logistique de Bricy, compte tenu de l’effectif prévu au parc c’est environ 200 personnels qui n’œuvrent pas tout de suite sur la Base. Le commandant adjoint au Commandant de Base est aussi chargé de la mobilisation, un des capitaines adjoints de l’État-Major de la Base Aérienne fait fonction d’adjoint technique et commande les Moyens Généraux, l’autre seconde le Commandant de Base dans l’administration du bataillon de l’air. Bien que prévu au tableau d’effectifs, le Service Médical est réduit au strict minimum avec un sous-officier chargé de l’infirmerie et sans officier médecin. Du coté du bataillon de l’air, la première compagnie est chargée d’administrer le personnel de la Base, la deuxième compagnie est censée administrer le personnel du parc. Ce sont des débuts difficiles pour la nouvelle Base Aérienne du point de vue opérationnel et logistique, en ce qui concerne le personnel, la tâche n’est pas facilitée dans des baraquements provisoires et avec l’absence de parc sur le terrain, nous le verrons plus tard en 1938 au travers d’une note de l’État-Major de l’Armée de l’Air.

En avril 1937 l’État-Major de l’Armée de l’Air précise dans une note la répartition des unités et commandements de l’air en présence à Orléans, qui s’établit ainsi :

- Un État-Major de division aérienne (Orléans-ville)

- Un État-Major de commandement de l’air régional (Orléans-ville)

- Un Groupe Aérien Régional (Orléans-Saran)

- Une escadre aérienne (Orléans-Bricy)

- Un bataillon de l’air (Orléans-Bricy)

Il est envisagé d’installer une deuxième escadre aérienne à Bricy compte tenu de l’importance des installations, cependant le projet ne verra jamais le jour, la suite des événements plongeront la base dans une autre perspective.

Revenons sur l’installation de la 22ème escadre, on peut se demander si ce transfert ne fut pas un effet d’aubaine pour occuper un terrain devenu sans affectation précise. En effet, les revirements de situations successifs sur l’utilisation de la plate-forme de Bricy nous montrent qu’en 1936, il n’existe plus d’utilité pour les deux énormes hangars Caquot. Les projets de centre d’essais ne seront pas réalisés à l’exception des moteurs et des hélices. La destination du terrain peut servir à un autre usage malgré le manque de facilité pour l’implantation d’une toute nouvelle Base Aérienne. La 22ème escadre effectuera ce transfert sur un terrain mal préparé et encore en chantier. La raison Survol de la base aérienne par un Amiot 143 dont on voit la roulette de queue.


officielle est d’éloigner les avions de la trop grande proximité de la ville de Chartres et de positionner les terrains de l’aviation de bombardement lourde au sud de la Loire (ce qui est vrai à quelques kilomètres près, puisque le terrain de Bricy se situe à environ 13 kilomètres au nord de la Loire). Nous avons pour témoignage l’historique de la 22ème escadre où l’on peut lire que : "Les routes existantes sont celles établies hâtivement pour l’acheminement des matériaux de construction. On patauge dans la glaise détrempée. Sur le terrain, les avions s’embourbent à qui mieux mieux et lorsque le froid s’en mêle, les mécaniciens dans les hangars, secrétaires et le personnel navigant dans les autres locaux, battent la semelle et soufflent dans leur doigts congestionnés car le chauffage se limite à quelques braseros empruntés sur les chantiers. On regrette Chartres..."

Si l’infrastructure laisse à désirer, le personnel n’est pas mieux loti sur le plan aéronautique, il suffit pour cela de consulter les archives du Lieutenant Hatier, qui fait les remarques suivantes : "En raison des difficultés que présente la dénivellation du terrain de Bricy, et compte tenu des obstacles avoisinants..." (les avions peuvent être invisible depuis les parkings des hangars lorsqu’il se trouvent dans la zone d’atterrissage) " la présence d’un officier de piste est indispensable au poste-vigie pendant l’heure du repas de midi. A tout instant de la journée (par temps volable) des avions étrangers à la Base peuvent faire escale à Bricy". Mais l’officier de piste ne dispose même pas d’une paire de jumelle pour identifier les avions, ni même d’un téléphone pour donner l’alerte en cas de panne d’un avion dans la zone critique où il disparaît de la vue dès que l’on se trouve à hauteur de sol. La manoeuvre des avions pose également son lot de difficultés toujours en raison du sol argileux et du manque de surfaces bétonnées, le témoignage du lieutenant Hatier est éloquent : "Le hangar numéro 3 a été livré à l’autorité militaire avec, pour sortie des avions, une aire cimentée de 8 mètres de large ; au delà le sol se présente sous forme de terre argileuse rapportée. La largeur de l’aire cimentée est nettement insuffisante pour permettre le passage des avions, du hangar en piste, et inversement ; la manipulation des avions doit donc se faire dans un bourbier inimaginable qui a pour conséquence, de mobiliser à chaque sortie ou rentrée d’appareil, un personnel trois fois plus nombreux qu’il ne convient normalement. Pour les manoeuvres de gros appareils, il est nécessaire de faire appel au concours du personnel, secrétaires, magasiniers, armuriers, etc..." A toutes ces difficultés on peut ajouter le déficit chronique en effectif. Malgré les pénuries d’hommes et de matériel, et à l’image des personnels de l’Armée de l’Air, chacun fera de son mieux pour assurer les missions dévolues aux unités. Parmi celles-ci, on peut citer : les convoyages d’avions, les vols d’essais, les vols de nuit, l’entraînement au tir et au bombardement, les manoeuvres et exercices aériens, l’entraînement à la navigation et à la recherche d’objectif. La 22ème escadre avec ses vénérables Amiot, sera inspectée par le Général Féquant le 12 février 1937, ce sera l’occasion de sortir les avions sur le parking entre les deux hangars Caquot. Le 8 mars 1937, à 17 heures, une délégation d’officiers et de sous-officiers de la Base Aérienne d’Orléans-Bricy et du centre de Saran est reçue à la mairie d’Orléans. Les défilés aériens font également parti des sorties effectuées par l’escadre. 

Au printemps 1937, le nivellement du terrain est fait en très grande partie et on a procédé à un premier ensemencement. L’escadre dispose à ce moment de 100 hectares. Un marché est passé pour le balisage de cette partie. Un deuxième forage est creusé pour l’alimentation d’un autre château d’eau (cependant il ne sera pas achevé).




Alors que sur la base aérienne de Bricy le CEMA et le CEAM effectuent leurs essais respectifs, un drame se joue le 10 mai 1940, jour de l'offensive allemande sur la France. Voici la reproduction du rapport d'accident :

  • Saint-Jean-de-la-Ruelle, Centre-Val de Loire, France
Site personnel appartenant à Olivier BAILLON. Site non officiel et historique de la Base Aérienne 123 d'Orléans-Bricy dont le but est de diffuser l'histoire depuis sa création jusqu'en 1945.
Appel aux historiens, aux collectionneurs et aux familles, tous les documents concernant la BA 123 qui pourraient être en votre possession peuvent être publiés sur cette page. Merci d’avance pour vos contributions...
Merci aussi de me signaler les inévitables erreurs ou coquilles qui figureraient dans cette page - Réponse assurée.

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